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Pär LAGERKVIST

prix Nobel 1951



Pär Lagerkvist naît en 1891 en Suède, à Växjö, petite ville épiscopale entourée de forêts, où son père est chef de gare. Il grandit dans un milieu bourgeois et religieux, où on lit la Bible au foyer, accompagné par le son des trains qui vont et viennent. Sa vie d’enfant et de jeune homme est paisible, mais il est troublé, probablement du fait de son éducation religieuse, par le sentiment, inarticulé à cette époque, du mystère accablant de l’existence.


Au lycée, il perd la foi. Il y révèle son radicalisme en portant, comme les socialistes de l’époque, un chapeau à larges bords et une lavallière ; il fréquente le Cercle Rouge, un groupe d’opinions avancées. Le socialisme, le darwinisme et le scientisme sont tous explorés par le jeune Lagerkvist. Malgré ces inclinations radicales, il garde une affection et une nostalgie pour la foi en elle-même, bien qu’il désapprouve les formes qui lui sont données.


Lorsque Pär Lagerkvist devient étudiant en 1910, il est convaincu de sa vocation d’écrivain. Il interrompt ses études en histoire de l’art à l’université de Uppsala en 1913 pour s’installer à Paris. Il a déjà publié deux petits recueils de nouvelles. Un critique suédois remarque que le premier recueil contient 1200 mots et 12 000 points de suspension...


A Paris cependant, il renonce aux points de suspension, découvre le cubisme, le futurisme et l’expressionnisme. Les tableaux de Picasso, surtout, sont une révélation. Fortement impressionné par le peintre, il écrit alors son manifeste Art du mot et Art de l’image. Sur la décadence de la littérature moderne. Sur la vitalité de l’art moderne (1913). Il préconise la poursuite d’une « poésie pure » et réprouve le naturalisme contraint et stagnant. Il constate qu’un symbolisme rigoureux, puissant et constructif (comme ceux que l’on trouve dans l’art primitif et les oeuvres religieuses classiques) est plus amène de montrer la réalité que les textes dits « réalistes ». C’est par ce manifeste qu’il affirme son idéalisme dans la conception de l’art.


Il passe les années de guerre au Danemark, où il écrit Angest (L’Angoisse, 1916), qui contient les premiers poèmes expressionnistes que la Suède connut. Il épouse une danoise. Quelques années plus tard, pourtant, le couple se sépare, et Pär Lagerkvist se remarie en Suède. Mais c’est au Danemark qu’il commence à étudier le théâtre. Admirateur de Strindberg et critique du naturalisme, il écrit dans son essai, Théâtre ( 1918) « Notre temps est, par son manque d’équilibre et son hétérogénéité, baroque, fantastique, beaucoup plus fantastique que le naturalisme serait capable de le décrire ». L’écriture de l’écrivain Pär Lagerkvist réside justement en une association de but symbolique et d’attention délicate pour le détail naturaliste. Entre 1918 et 1928 il fait preuve d’une diversité considérable en tant que dramaturge.


Il effectue de nombreux séjours en France et en Italie pendant les années 1920. Il publie Contes Cruels en 1924. L’exil de la Terre (1926), souvent cité comme le plus autobiographique de ses romans, aborde non seulement la confusion engendrée par son doute en la foi, mais aussi la méditation métaphysique inspirée par cette crise.


En 1930 Pär Lagerkvist s’installe en Suède, près de Stockholm. Durant les années suivantes ses oeuvres seront écrites dans l’ombre de l’état hitlérien qui se forme au sud des frontières de la Suède. A ce moment-là, Pär Lagerkvist s’engage dans une lutte idéologique ferme. Il se montre critique implacable du totalitarisme. En 1933, à plus de quarante ans, il publie son premier grand roman, Le Bourreau, qui décrit la brutalité de la race humaine résolue à s’autodétruire. Le texte souligne également la solitude inéluctable de l’existence. Ce court roman est imprégné par la perception d’une catastrophe imminente lorsque « les nuages noirs de la punition se dressent » devant les personnages. Néanmoins Pär Lagerkvist parvient à peindre la grandeur de l’âme humaine, même dans les moments où elle apparaît la plus faible.


En 1940 il est élu à l’Académie Suédoise, alors que paraît Le Nain. Ce roman, comme Barabbas (1950) et La Sybille (1956) aborde la relation de l’Homme à Dieu, usant de puissantes allégories. Fondés sur des thèmes historiques ou légendaires, ces œuvres évoquent le folklore et la fantaisie épique. On y décèle la résurgence de questionnements sur la foi, la guerre, la peste, la condamnation à mort. Ces romans n’hésitent pas à explorer l’état physique de l’homme, comme l’état de son âme. Caractérisés par une conscience perçante de la condition humaine dans sa gloire et son absurdité, ils sont riches de symbolismes éloquents.


Barabbas a très vite attiré l’attention et la reconnaissance de la communauté littéraire internationale. Cette nouvelle oeuvre vaut à Pär Lagerkvist de recevoir en 1951 le Prix Nobel de Littérature, qu’il accepte avec sa modestie habituelle : « C’est un si grand honneur qu’en vérité il convient de se demander si c’est un honneur mérité. Mais c’est là une question que je n’ai pas même osé me poser. Par bonheur, cette décision a été prise en dehors de moi et j’ai le sentiment tout à fait agréable de n’être en rien responsable ».


Parmi ses admirateurs, André Gide, lui aussi lauréat du Prix Nobel (1947), écrit dans une lettre à Lucien Maury, traducteur du texte : « N’en doutons pas, le Barabbas de Pär Lagerkvist est un livre remarquable ». Selon Gide, sa réussite, était « de s’être maintenu sans défaillance sur cette corde raide tendue à travers les ténèbres, entre le monde réel et le monde de la foi.».


En 1956 Pär Lagerkvist gagne un autre prix européen : le Grand Prix Littéraire de la Ville de Paris.


En 1960 il publie La Mort d’Ahasverus, et en 1962 Le Pelerin de la Mer. La Terre Sainte suit en 1964. Les trois romans se rapportent aux légendes du Juif Errant.


Malgré les honneurs, Pär Lagerkvist garde dans son existence la même simplicité que dans ses livres, simplicité puisée, disait-il, dans les chansons tribales africaines et les hymnes aztèques. «Croyant sans foi ou athée religieux”, comme il se définissait lui-même, Pär Lagerkvist meurt le 11 Juillet 1974.