Imre KERTÉSZ
prix Nobel 2002
“Pour une oeuvre qui dresse l’expérience fragile de l’individu contre l’arbitraire barbare de l’histoire”
Imre Kertész naît le 19 novembre 1929 à Budapest (Hongrie) dans une famille juive modeste. Son père est marchand de bois et sa mère, employée. A l'âge de 15 ans, en 1944, il est déporté à Auschwitz, puis transféré à Buchenwald. Cette expérience douloureuse le marque profondément et nourrira toute son œuvre.
Revenu en Hongrie, en 1945, il se retrouve seul : tous les membres de sa famille ont disparu. En 1948, il commence à travailler comme journaliste à Világosság. Mais en 1951, le journal devient l'organe officiel du Parti communiste et Kertész est licencié. Il travaille alors quelque temps dans une usine, puis au service de presse du ministère de l'Industrie.
Congédié en 1953, il se consacre à l'écriture et à la traduction. À partir de la fin des années 1950 et tout au long des années 1960, il écrit des comédies musicales pour gagner sa vie. Il traduit de nombreux auteurs de langue allemande, tels que Nietzsche, Hofmannsthal, Schnitzler, Freud, Roth, Wittgenstein et Canetti, qui vont influencer sa création littéraire. Dans les années 1960, il commence à écrire Être sans destin d'inspiration largement autobiographique racontant la vie d'un jeune déporté hongrois. Ce récit ne paraît qu'en 1975 et ne reçoit qu'un accueil mitigé et parfois très critique. Personne ne lui pardonne de parler des camps de concentration. Kertész analysera ce rejet violent dans Le Refus (1988) qu’il présente comme le deuxième volet d’Être sans destin. C'est seulement après sa réédition, en dix ans plus tard, que le premier tome connaît le succès ! Il est traduit en français en 1997.
En 1976, il écrit Roman policier qui met en scène un renversement politique, quelque part en Amérique latine : la dictature qui s'établit offre au simple policier Antonio Martens l'occasion inespérée d'intégrer l'armée. Il y rencontre Diaz, son supérieur, et son acolyte, le sadique Rodriguez. Commencent alors des filatures au cours desquelles sont fichés un grand nombre de citoyens irréprochables. Peu après, Rodriguez installe dans leur bureau un instrument de torture et s'apprête à en faire usage. Martens fait face à ses propres sentiments - trop faibles pour une véritable remise en cause, trop forts pour l'insouciance pure et simple. Jusqu'où fermera-t-il les yeux ?
L’année suivante, Le Chercheur de traces raconte le retour d'un homme dans une région où, longtemps auparavant, ont eu lieu d'indicibles crimes.
Tenu à l'écart par le régime communiste, Kertész commence à n’être reconnu comme un grand écrivain qu'à la fin des années quatre-vingt après la chute du mur de Berlin.
Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas (troisième partie de la tétralogie d’Être sans destin) paraît en 1990. Dans le judaïsme, le kaddish est la prière des morts. L'auteur adresse cette prière à un enfant, enfant qu' il n'a jamais eu, qu' il n'a jamais voulu avoir. Le texte est un monologue intérieur, le récit d'une vie gâchée, une vie de souffrance dont les origines remontent à l'atrocité rencontrée dans les camps de la mort.
Le Drapeau anglais (1991) se situe à Budapest, pendant l'insurrection hongroise de 1956, et met en scène les affres et les détours de la mémoire. Il est aujourd’hui disponible en français avec Procès verbal qui relate un voyage de Budapest à Vienne, peu après la chute du mur de Berlin, voyage qui se transforme en un cauchemar bureaucratique.
Ses lectures et essais sont rassemblés dans L'holocauste comme culture (1993), L’instant de silence pendant que le peloton d’exécution recharge (1998) et La langue expatriée (2001).
En 1997, la quatrième partie d’Être sans destin, Un autre, Chronique d’une métamorphose, sort. Il commence à être récompensé par de nombreux prix, notamment en Allemagne.
Il publie Liquidation en 2003. Le héros est un écrivain de Budapest. Son pays est en train de renouer avec la démocratie, mais, lui, il ne croit plus en rien. Son nom? Une simple lettre, B., tatouée sur sa cuisse par ses tortionnaires dans un baraquement d'Auschwitz où il est né en décembre 1944. De cela, on ne se remet jamais. B. a donc décidé de se suicider. Un geste philosophique, une mort programmée qui bouleverse ses amis. Parmi eux, Keseru, un éditeur qui est persuadé que B. a écrit un roman pour expliquer son suicide. Mais le manuscrit a disparu.
Imre Kertesz obtient en 2002 le prix Nobel de littérature, le premier Hongrois !, « pour une œuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'Histoire ». Une partie des intellectuels hongrois critiquent ce prix. Il finit par quitter la Hongrie pour Berlin.
Etre sans destin est adapté au cinéma par Lajos Koltai en 2005.